Le tropicalisme, un mouvement au Brésil dans les années 60

 

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Le tropicalisme, un mouvement au Brésil dans les années 60
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Les Brésiliens ont baptisé ce mouvement musical et social des années 60 le « tropicalia ». On n’en parle pas sur la scène internationale, mais à l’époque, ce fut une vraie révolution dans le pays. Il est né d’un côté de la contestation de la dictature militaire, mais aussi de la fascination pour le rock américain. Ce mouvement a eu un important impact sur la société brésilienne contemporaine.

Tropicalia et le climat politique autoritaire

Comme pour les autres pays, le Brésil a également connu un développement économique. Toutefois, ses profits ne touchaient qu’une petite partie de la population, notamment les personnes riches, les dirigeants et les familles d’affaires du pays. Joao Goulart, président brésilien élu en 1961, a changé la donne. A sa prise pouvoir, il était plus à l’écoute des classes favorisées. Il met en place une politique plus sociale et dans le prolongement de celui-ci, il entame un rapprochement avec le bloc soviétique. Malheureusement, cette période qui semblait être favorable à la population défavorisée du Brésil n’a pas duré. Le président est renversé en pleine guerre froide en 1964 par le maréchal Castelo Branco qui a eu le soutien des Etats-Unis. Une politique dictatoriale s’impose. Loin des discussions et des regards, un sourd mouvement de révolte se prépare petit à petit sur quelques années. Les putschistes galonés ne s’y attendaient pas : le tropicalia allait changer l’histoire du plus grand pays d’Amérique du Sud.

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Le « Summer of Love », le début du tropicalisme

A côté de ce changement politique, on a aussi un changement artistique. On entendait moins la samba qui est la musique traditionnelle du Brésil. Elle laisse place à la douce et l’élégante Bossa Nova qui est apporté par les artistes déjà connus comme Vinicius de Moraes, Joao Gilberto La « Bossa » et Antonio Carlos Jobim, mais aussi par de nouveaux artistes comme Gilberto Gil, Caetano Veloso et Chico Buarque. A l’éternel pays de l’avenir, on se laisse même bercer par les notes de Bossa Nova des plus grands jazzmen américains. Cet engouement de la Bossa Nova est tout de même très vite coupé par l’autorité militaire qui à l’époque a pris le pouvoir suit au coup d’Etat. Cette musique est même jugée intellectuelle, ce qui explique l’interdiction de sa diffusion.

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Il a fallu attendre l’année 1967 lorsque le calme est revenu pour que les artistes reprennent leurs instruments pour jouer de la Bossa Nova. Las de la dictature, ils poussent plus leur créativité et s’ouvrent aux nouvelles sonorités, notamment au pop art. C’est à cette même époque que s’est déroulé le premier festival international de Pop Music à Monterey en Californie. Les artistes participants ont essayé de faire passer un nouveau mode de vie avec le rejet de la société de consommation et l’intégration de l’amour et de la musique à l’existence. C’est dans ce vent de poupe qu’on a lancé le « summer of love » des Beatles. Ce nouveau mode de vie n’est pas passé inaperçu au Brésil. La même année, on voit naître de nombreuses émissions télévisés dans lesquels se produisent entre autres Caetano Veloso et Gilbert Gil. Eux aussi, ils voulaient faire leur propre « festival Monterey ».

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Un mouvement « tropical »

Aux débuts de ce mouvement, Veloso se fait remarquer, car il a oublié le tout acoustique. Lorsqu’il monte sur scène, il se fait accompagné d’un groupe de musiciens très influencés par la pop. Cette nouvelle note artistique ne semble pas ravir une partie de la population brésilienne. Il se fait siffler par le public, mais il continue à chanter et à affirmer sa volonté de changer l’ère. Il n’y a pas que le public qui semble ne pas apprécier cette nouvelle note musicale. Pour l’establishment brésilien et les militaires au premier rang, c’est même un outrage à la culture traditionnelle. Derrière ces artistes qui mettent en avant la nouvelle culture, on a les jeunes qui semblent mieux l’ingérer en le mixant à la tradition.

Dans la foulée, Caetano Veloso nomme la révolution le « tropicalia » qu’il désigne comme le résultant de mélange de cultures du passé et du présent. Avec ceci, il affiche en revendication la liberté d’expression et le refus de la culture imposée par les autorités qui n’est autre que la culture traditionnelle. Caetano va même un peu plus loin dans son engagement : il qualifie d’incompétent le jury qui recale une chanson de Gilberto Gil. C’est là que la révolution commence à se faire sentir sur le territoire brésilien.

L’appellation « tropicalia » devient plus officielle en 1968, à la sortie du disque « Tropicalia » de Caetano Veloso et Gilbert Gil. Dans leur mouvement musical, ils sont épaulés par de nombreux artistes dont entre autres Tom Zé, Nara Leao et par des poètes comme José Carlos Capinan et Torquato. On entend alors une musique rappelant les notes de la musique populaire brésilienne et de la musique avant-gardiste. Elle est bien reçue par les adeptes de ce nouveau mouvement, mais semble choquer les tenants de la culture traditionnelle. Les tropicalistes se créent sans le vouloir des ennemis : les tenants du mouvement ouvrier et la société bourgeoise.

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La réplique de l’establishment

Si les autorités ont laissé le mouvement se faire, les mouvements révolutionnaires touchant les autres pays les alertent. Pour maintenir l’ordre, ils prennent des mesures draconiennes. Ils emprisonnent alors ce qu’ils qualifient les meneurs du tropicalisme. On voit aller en prison Caetano Veloso, Gilberto Gil et Chico Buarque. Les autorités brésiliennes prennent tout de même conscience que la détention de ces artistes n’est pas la bonne solution. D’ailleurs, ils s’attirent les pressions du monde entier. C’est là qu’ils les relâchent sous condition de quitter le pays. Ils leur proposent l’exil en Italie pour Buarque, en Angleterre pour Gil et à Londres pour Veloso.

Même après cet exil, la population brésilienne ne semble pas s’être arrêtée. Les idées laissées par le tropicalisme sont bien présentes et les mentalités brésiliennes se voient se modifier petit à petit. Ne pouvant plus rien faire, l’establishment n’arrive même pas à refuser la rentrée au territoire des exilés quelques années plus tard. Ces artistes reprennent le micro et remontent sur scène avec même quelques appréhensions. Ils arrivent tout de même à ne pas se faire censurer jusqu’à la chute de la dictature en 1985.

Si le tropicalia a beaucoup fait parler de lui dans le domaine musical, il a aussi laissé ses traces dans l’art, le cinéma, la poésie et la littérature du Brésil. Suite à ce mouvement d’ailleurs, les artistes, tout comme la population brésilienne qui jusque-là était très protectrice laisse une ouverture aux courants musicaux internationaux.

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