Brésil – Les tribulations du président Lula

 

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Brésil – Les tribulations du président Lula

Brésil – Les tribulations du président Lula

par AUGUSTO ZAMORA R. ( * )

 

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 Heloisa Helena,
sénatrice exclue du Parti des travailleurs du président Lula, s’est
classée 3e (6,85% des voix) du 1er tour de l’élection présidentielle
d’octobre 2006

Lula n’a pas pu gagner au premier tour comme le pronostiquaient les sondages, qui
donnent toujours des surprises même si on les considère comme des
substituts des mystères d’Eleusis. Il est resté à un pas de cette
victoire, avec 48,61% des voix. Il a manqué à Luiz Inázio da Silva, le
tourneur qu’habille aujourd’hui sur mesure le meilleur couturier du
Brésil, ce pourcentage de votes déterminant et définitif qu’à remporté
le secteur de gauche de l’électorat brésilien. Un vote qui est allé à Heloísa Helena
Lima (6,85%) et, dans une moindre mesure, mais non de moindre importance,
à l’ex-ministre de l’Education Cristovam Buarque (2,67%). Tous deux
furent expulsés du PT [Parti des travailleurs] pour leur opposition
à des politiques peu sociales de Lula.

La crise commença en 2003, à la suite d’un projet du
Gouvernement Lula de réforme du système de la sécurité
sociale au détriment des retraités. L’opposition de la sénatrice
Heloísa Helena et de trois députés du PT provoqua
un séisme interne. La crise eut des répercussions internationales
et près de 1.000 intellectuels et représentants de la gauche
mondiale intervinrent, demandant à Lula d’éviter l’expulsion
des dissidents.

Cela ne servit à rien. Lula préféra l’épuration
au dialogue et les quatre expulsés formèrent un nouveau parti,
le P-Sol (Parti Socialiste et de la Liberté). Le P-Sol a choisi Helena
comme candidate présidentielle et elle a réussi à recueillir
le vote majoritaire de la gauche frustrée par la politique néolibérale
de Lula et la corruption au sein de son gouvernement.

La candidature d’Heloísa Helena fut soutenue par 358 personnalités,
dont Noam Chomsky et Ken Loach. Alors que Lula, signalaient-ils dans un texte,
« a suivi une voie social-libérale typique, désenchantant des
millions de personnes qui avaient voté pour lui avec l’espoir d’un
changement social radical, Heloísa Helena et ses camarades restent
fidèles au programme anti-impérialiste et socialiste original
du PT ».

Les raisons ne leur manquaient pas. Lula a abandonné une grande partie
des piliers de gauche qui avaient mobilisé une majorité de Brésiliens
autour du PT. Il a choisi d’embrasser les critères fondo-monétaristes
de gouvernements antérieurs et, surtout, il a renoncé à
réaliser les grandes transformations promises: réforme agraire,
réduction des inégalités (les plus grandes d’un continent
le plus inégal au monde) et combat contre la misère. Le nombre
de pauvres est passé, sous Lula, de 34,34% à à 33,57%.
L’extrême pauvreté, de 26,23% à 25,08%. Des chiffres
ridicules pour celui dont la bannière, précisément,
était d’en finir avec cette plaie.

La possession de la terre est un autre thème qu’il a laissé
dans l’oubli, dans un pays où la concentration de la propriété
est extrême. Un exigu 2,8% de propriétaires fonciers possède
56% des terres agricoles et 50% de petits propriétaires disposent d’à
peine 2,5% de la superficie, alors qu’ils réunissent les deux tiers
de la population rurale. Un pour cent des propriétés agricoles
occupe 45% de la superficie utile. Des propriétaires fonciers dominent
des étendues supérieures à la Belgique, formant des
Etats dans l’Etat. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Le Mouvement
des Sans Terre (MST) a durement critiqué Lula et s’est éloigné
de lui.

Sa politique extérieure fut plus audacieuse et cohérente.
Flanqué de la plus grande génération de gouvernements
de gauche et de centre gauche de l’histoire latino-américaine, Lula
a soutenu les grandes initiatives intégrationnistes, tels le gazoduc
du Sud et Mercosur, et il s’est opposé à la Zone de libre-échange
des Amériques impulsée par les Etats-Unis. Il en ressentit
plus durement la nationalisation, par Evo Morales, du gaz bolivien et le
triplement de son prix. Face à ceux qui lui demandaient d’affronter
le président aymara, Lula a choisi le dialogue et la patience, conscient,
peut-être, qu’il s’agissait d’une bataille perdue.

Lula gagnera au second tour, parce que la gauche sera obligée de
voter pour lui afin d’éviter le triomphe de la droite pure et dure.
Mais ce sera un vote amer, car rien ne prédit que Lula en fasse plus
au cours de son second mandat que lors du premier. L’intégration régionale,
par contre, tirera profit, et amplement, d’une présidence de Lula.
Et peut-être un miracle se produira-t-il, le tourneur ressuscitant
pour rendre, réellement cette fois, justice aux siens. A ceux qui
ont voté et voteront pour lui, malgré tant de désillusions
et d’amertume.

[* Augusto Zamora R. est professeur de Droit International et de Relations
Internationales à l’Universidad Autónoma de Madrid]
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