Second tour Lula Alckmin le 29 octobre

 

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Second tour Lula Alckmin le 29 octobre
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 Le président Lula (à gauche) et Geraldo Alckmin
Photos Rossana Lana et Paula Sholl

Brésil – Et si Alckmin gagnait l’élection présidentielle?

 

par Julio BURDMAN ( * )

BUENOS AIRES, jeudi 5 octobre 2006 (LatinReporters.com) – La surprenante
poussée de Geraldo Alckmin dans l’élection présidentielle brésilienne peut changer l’histoire de la décennie. Bien que le calcul des probabilités offre à Lula un léger avantage, il n’est pas impossible qu’Alckmin retourne le résultat au second tour, le 29 octobre. L’impact politique et économique sur l’Amérique latine d’une alternance à la présidence du Brésil serait particulièrement sensible en
Argentine.

Helena Heloísa [sénatrice dissidente du Parti des travailleurs du président Lula, elle s’est classée 3e du premier tour de la présidentielle; ndlr] s’est déclarée neutre et ses électeurs de gauche sont aujourd’hui plus enclins à rester chez eux le 29 octobre qu’à risquer d’être à nouveau déçus par un Lula néolibéral. Par ailleurs, les alliances régionales des deux candidats reviennent dans de nombreux cas à la case départ:
des leaders régionaux du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) ratifieront leurs engagements électoraux avec Lula, mais d’autres pourraient les reconsidérer. La cote des accords est en hausse. La politique brésilienne peut être aussi crue que cela.

 

Impact sur l’Argentine

Si Lula perd le 29 octobre, le Brésil et la région changeront.
Mais le pays qui subirait le plus l’impact de cet éventuel changement serait, comme d’habitude, l’Argentine. Et ce pour diverses raisons. Aujourd’hui, Lula a en sa faveur les chiffres du premier tour, mais Alckmin est en train de gagner la course des perspectives. Dans la rivalité électorale, il ne s’agit pas seulement d’émerger en tête:
le comment et le combien importent et tout cela se mesure en fonction des expectatives. Lula a gagné et surpassé son score du premier tour de 2002, mais « l’effet surprise » d’Alckmin, dont on attendait un 30%
bien inférieur à son 41,6%, l’a propulsé. Dans les semaines qui restent avant le second tour, Lula devra démontrer qu’il n’était pas impliqué dans le dernier scandale du dossier fabriqué contre ses adversaires et, en même temps, il lui faudra maintenir vive la foi de ses alliés. Alckmin, par contre, est en bonne position pour additionner les adhésions.

Au niveau de l’Amérique latine, la probabilité d’une défaite de Lula soulève des questions dans chaque pays. Après le Pérou et le Mexique, l’élection présidentielle du Brésil signifie-t-elle la fin de la vague néopopuliste régionale? On pourrait dire que oui, quoiqu’il ne faille pas être aussi péremptoire.

Avec la croissance économique de la région et l’accès au pouvoir des courants anti-néolibéraux dans divers pays, le climat contestataire des dernières années s’est détendu. Il ne faut pas non plus oublier que les résultats du premier tour ont été favorisés par les vidéos du scandale et l’absence antipathique de Lula au débat télévisé, c’est-à-dire par des circonstances d’ultime moment, comme dans le
cas de Rodríguez Zapatero. [Le socialiste espagnol José Luis Rodríguez Zapatero avait remporté les élections législatives du 14 mars 2004 trois jours après les attentats islamistes de Madrid,
alors qu’avant ce massacre tous les sondages prédisaient sa défaite; ndlr].

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Toutefois, avec la candidature d’Alckmin, le Parti de la social-démocratie
brésilienne (PSDB) parachève un virage au centre droit. Avec
Fernando Henrique Cardoso [président du Brésil de 1995 à
2002; ndlr] et José Serra [rival malheureux de Lula en 2002, mais élu
le 1er octobre dernier gouverneur de l’Etat de Sao Paulo; ndlr] ce PSDB était
un parti d’intellectuels de gauche qui avaient entamé un « virage au centre » dans les années 1980. Alckmin, par contre, est un conservateur.

D’une part, en politique interne, l’effet serait d’ordre psychologique. Aujourd’hui, peu sont portés à imaginer un scénario alternatif à la réélection du président argentin Nestor Kirchner. Mais si Lula perd, beaucoup commenceront à penser que Kirchner peut perdre aussi. Ainsi fonctionne l’effet de contagion en politique, dans la finance et dans le cadre des décisions personnelles.

D’autre part, il faudrait s’attendre à des changements dans la politique extérieure brésilienne. Le titulaire du Mercosur, Chacho Alvarez [ancien vice-président de l’Argentine, il représente le marché
commun sud-américain à l’égard des tiers; ndlr], affirmait récemment que « les réélections de Kirchner, Lula et de Chávez permettront d’assurer la continuité du projet d’intégration régionale » (El Cronista, 18/09/2006). Un hypothétique triomphe d’Alckmin ne signifierait pas une inversion brusque du « projet », car la politique extérieure brésilienne ne se meut pas ainsi. Mais il ne se consoliderait pas non plus. Alckmin a peu parlé de politique extérieure, mais il a dit certaines choses. Par exemple que le Mercosur et un rapprochement avec les Etats-Unis ne sont pas incompatibles. Et lors d’un forum de dirigeants, il a regretté le retard constant de l’accord avec l’Union Européenne.

Mais au Brésil, on attribue plus d’importance à ses omissions qu’à ses paroles. On y croit qu’avec Alckmin le dernier mot en politique étrangère reviendrait à Itamaraty [le Quai d’Orsay du Brésil; ndlr], siège de la diplomatie brésilienne.
Les concessions au vénézuélien Hugo Chávez ont été faites par Lula et malgré les diplomates d’Itamaraty. Un Brésil présidé par Alckmin aurait par exemple différé son soutien à la candidature du Venezuela au Conseil de sécurité de l’ONU, présentant au dernier moment son propre candidat « de consensus ».

Mais ce que inquiète le plus les Argentins est la politique économique d’Alckmin. On croit qu’il y aurait continuité, mais cela pourrait ne pas être ainsi. Si Alckmin est président, il le devra à Sao Paulo, berceau des industriels qui se conforment le moins à l' »orthodoxie » de Lula. Le taux d’intérêt au Brésil est l’un des plus élevés au monde et le real continue à s’apprécier.
Pour les industriels paulistes, les deux choses ne peuvent pas se soutenir au-delà de 2006, même s’ils comprennent qu’avec le niveau actuel des dépenses publiques et qu’en l’absence de progrès des réformes en matière de prévisions et d’impôts lors du premier mandat de Lula, il n’est pas possible de se passer des capitaux qui arrivent pour profiter des taux élevés.

Aussi le prochain président sera-t-il soumis à des pressions en faveur de réformes économiques et, simultanément, d’une détente du taux de change afin d’aboutir à un real plus « kirchnérien ». Plus probablement que Lula, Alckmin pourrait adopter et exécuter pareil agenda. Si cela se concrétisait,
l’Argentine se trouverait dans un contexte différent.

Dit d’une autre façon, l’élection éventuelle de Geraldo Alckmin à la présidence du Brésil pourrait être suivie de mauvaises nouvelles pour les industriels argentins.

(*) Julio Burdman est directeur de l’Observatorio Electoral

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